un pot de Jean Nicolas Gerard (2008/ 2010)

à propos d’un pot de jean-nicolas présenté à la galerie Empreintes en automne 2008

                                                                                        Peut-on dire d’un pot qu’il est paysan ? 

 Le pot est posé là, simplement, le pot est là. Je pourrais même dire : « le pot est », tant sa présence donne sens et mesure au lieu, en toute simplicité, en toute évidence. La poterie a le poids de l’irréductible, et de l’irremplaçable. Ce pot est  de tout temps de tout lieu. Alors oui, le pot est paysan : il conjugue ses attaches planétaires et à l’instar de certain paysan du Danube, sa rudesse ajoute à son éloquence (*). Ce pot là parle de constantes, d’invariants. Il annonce nos humeurs, s’érigeant d’un tournage affirmé et pourtant calme. Le vide qu’il contient transpire au-delà de son corps, au delà de son ventre, il gagne le voisinage par ondes successives - caillou jeté dans l’eau - Ses parois sont des murs poreux que le son de nos voix traversent pour dire nos fragilités - résonance au creux -  .  Le rouge brique et le crème  y dessinent l’espace où se développera l’émail tout droit venu des souvenirs  du jardin, du jaune et des gris verts des herbes séchées ... transparences liquides où soudain le noir apparaît, jouxtant ces traces de fer  qui nous déroutent d’une lecture trop savante,  trop respectueuse de l’histoire. Il n’est plus là question de tradition. Il est question de chaleurs débordantes, de mains levées, légères mais présentes.  Il est question d’un certain regard enfantin et de respiration douce… îl est question de rythme vital, nécessaire. Le pot alors devient sculpture du monde, sculpture de Terre. Il reste un acte de silence, se posant dans l’espace  et l’ouvrant à nos peurs. Tout passe par le ventre : creuser le trou, labourer la terre. Tout passe par les yeux, les mains : tourner le pot, le caresser. Il est ce passage de l’un à l’autre, d’une main qui le forme à l’autre qui le lit,  de la  spirale qui l’érigea au lent cercle de l’œil sur la lèvre … faire le tour du monde ! Glisser doucement sur les brillances et se heurter aux blessures, s’aventurer dans les traces laissées, s’y nourrir. Le pot nous nourrit de son histoire, de ses mystères régnant au fond,  là où le regard ne porte, là où la main s’est posée pour le construire autour … comme on bâtit sa maison. Le pot nous contient, il porte nos souvenirs nomades. Et depuis dix mille ans, les gestes se sont répété pour le faire,  Pour faire qu’ils nous accompagnent dans nos déambulations oniriques accueillant nos premiers textes  avant d’être rempli de nos cendres encore chaudes.  

Le pied large et assuré, le ventre droit, les épaules solides et la lèvre rude ouverte aux vents, ce pot là nous regarde et s’amuse de nos constants énervements … de la terre seule,  il tient le silence. 

 

 2008/2010(*)  Cf « le paysan du Danube » de jean de la Fontaine 

 

 

PG