de l'expérimentation (octobre 1999)

A l'entrée de l'atelier, se trouve une série d'assemblages, petites pièces de céramique alliée à d'autres matériaux.

Sur la table, des sculptures réalisées à deux. Un peu plus loin, des pots. Sur le mur, quelques mots, des herbes coupées et des polaroïds. Et le travail passe aisément d'une forme à l'autre, tentant de cerner les limites d'une pratique dont l'ossature serait l'énumération de mes propres rapports à la terre.

De la performance à la poterie, de l'installation à l'écriture, tout y passera au nom d'une même volonté: expérimenter. L'expérimentation à elle seule est porteuse de valeur subversive, elle reste une idée du présent où les enjeux de carrière disparaissent derrière l'instantanéité du travail vécu. Expérimenter c'est d'abord refuser. C'est quitter l'idée d'une production qui pourrait répondre à l'attente de clients ou autres observateurs attentionnés pour revendiquer la liberté de faire pour comprendre. Assembler les matières comme les sexes s'assemblent, faire bouger et s'entrechoquer les formes pour approfondir une pratique acceptant les inconforts et les incertitudes... essayer.

C'est aussi refuser les carcans de la tradition qui toujours enferment le travail dans les définitions du "bien fait" restaurant les sérails et les corporations. (Nous ne garderons du passé que les tentatives; il y en eut de belles!) C'est lancer des ponts entre des pratiques a priori éloignées en s'octroyant le droit de faire même et surtout si l'on ne sait pas! Expérimenter c'est surtout contrecarrer les tentatives de rentabilisation des idées dans un monde où seule la prédominance du commerce semble faire l'unanimité.

Au contraire des temples commerciaux, l'atelier reste le lieu du non rentable, des possibilités vécues et des rêves à venir, petit nid de résistance où tout acte s'inscrit contre la politique du "bien produit" pour un "bien consommé", le lit des essais et du bricolage à tous crins, là où les risques se prennent en dehors des technologies et des "machines à faire" qui déjà semblent avoir servies des idéaux vaseux.

La surprise me tient debout.
La rencontre m'attise.
La volonté de découverte génère la mise en place d'un vocabulaire personnel, essayant en tous sens, testant toute hypothèse de travail au risque d'en compliquer la lecture. Mais pourquoi l'expression serait simple alors que tout ce qui la constitue reste d'une complexité à peine concevable?

Tâtonner, hésiter, questionner, essayer, barguigner et tergiverser seront toujours les véritables verbes actifs provoquant le travail, et me reconduisant tous les matins à la porte de l'atelier pour retrouver la terre des deux mains, des deux pieds.

Philippe Godderidge