Anne Verdier sculpte la terre cuite (2010)

 

 Anne Verdier sculpte la terre cuite.

Oubliant la théorie, Anne  accumule  les matières, les expériences … elle accumule, cuit, fait fondre et puis elle casse… pour voir !… pour montrer l’exubérance.

Casser chez elle  n’est pas détruire, mais au contraire à cet instant,  le marteau redevient outil de sculpture et alors commence, au moment où d’autres pensent que tout est fini,  un travail finalement si classique de dégrossissement : révéler les tensions, trouver les lignes … vivre les formes.

Elle se positionne dans une attitude sans ambigüité. Il n’y est plus question de savoir faire mais simplement d’être présent, face et dans la sculpture en même temps, physiquement… Il faut surtout ne rien attendre et savourer ce qui arrive. Systématiquement, elle ne cherche qu’à mettre en œuvre des processus qui permettront d’improbables résultats … 

 Le four est le lieu de l’expérimentation, le vase de tous les possibles : là où les matières se mêlent, là où les  magmas rentrent en intime fusion ; ils  ne se laisseront voir qu’après leur mise au jour … rien n’est vraiment voulu,  tout s’arrange d’un ultime chaos …Anne le regarde… et décide à peine !

Elle refuse de respecter les outils pour la valeur sacrée qu’ils auraient, mais humblement,  les met en jeux, au risque même de les voir disparaître,  pour leur permettre  d’inventer. Aucune composition n’apparaît lors de l’enfournement,  la cuisson ne sert qu’à la sublimation des matières … pourtant, enfourner est aussi fabriquer et loin du hasard, tout ici converge vers la surprise.  Il s’agit certainement de se préparer : la cuisson fait partie des prémices !  elle est le temps où tout devient inéluctable, où tout se mélange dans une curieuse impression organique alors que dans le creuset, le monde est  minéral.

Puis une fois le four refroidi, elle en ouvre la porte  et sans perdre de temps  termine l’ouvrage, reprend les outils, essaye, rature, casse et recolle, enlève, divise  … comme si tout pouvait servir à fonder l’ utopie  d’une forme qui n’en serait pas … l’attitude alors, et seulement alors, devient sculpture … 

La forme est pleine,  entière,  sans peau vraiment. Son épiderme n’est que la partie visible de ses entrailles, tout y apparaît à égalité : le sous-cuit et le sur-cuit ,  la sculpture et son socle … car souvent on devine la sole, comme témoin, arrachée au ventre qui la fit naitre … 

De deux mots,  elle me parle d’un univers baveux : d’un univers qui fut liquide  mais que l’on sait figé sous sa gangue, qu’elle casse avec toute la frénésie  des orpailleurs. Puis, elle regarde enfin, cherchant à comprendre les transformations, pour qu’elles puissent à nouveau  servir d’autres hypothèses…    dec 2010

 

 

 

PG