Du fer et du plomb.

15 oct. 20

Je continue d’explorer.

J’émaille comme on rentre à la mine… dans le noir, dans la poussière avec l’idée que peut-être je ne remonterai pas.
J’étale des vernis de plomb chargés de fer, couche après couche, l’une sur l’autre. Im-précisément. Plus je recouvre et plus je m’enfonce. Plus les couches sont épaisses et moins je vois le jour. Moins je peux prévoir. Plus je m’éloigne de la terre. Le mélange posé est un bouillon fertile, un pâté de promesses. La vie possible réinventée par la cuisson.
Parler de la beauté de l’émail ? et puis quoi encore ! Les pots sont tellement sombres et brûlés, irregardables peut-être. On n’y voit que croute !
Peu engageants. Engagés, pourtant.

C’est l’automne, les arbres commencent à jaunir et l’herbe épaisse durcit. Au-delà des ocres, c’est aussi la saison des couleurs éteintes. Les marrons, les couleurs sales, le caca d’oie, le kaki. Les couleurs de merde et le noir des feuilles déjà pourries.
La pluie fait briller la terre.
Ce que j’aime dans le plomb c’est qu’il garde, de sa fusion, la nature des flaques. Des miroirs où l’on ne peut se voir.
Le fer c’est le drame, les brûlures du temps. Le plomb : la brillance glacée.
Les métaux lourds de l’histoire.
Chaque jour je recuis et retente de nouvelles applications, de nouveaux mélanges. Je crois savoir faire et pourtant je n’y arrive jamais. Par l’épaisseur, l’émail échappe. Les dégoulinures s’émancipent de l’intention. Les sur-cuissons redéfinissent les matières et les couleurs. Le changement de format des pièces à émailler change la donne et remet en cause toute l’expérience accumulée. ­­­
Mais tout ça me va bien. Les résultats s’amoncellent dans l’inconfort, jour après jour : des pots graves comme des urnes… Rouillés, lourds.

il y a quelques jours encore, des hirondelles tournaient au-dessus de la maison. S’étaient-elles perdues ? Attendaient-elles le vent portant ? Je n’ai pas l’impression de les avoir déjà vu si tard dans la saison. Mais on ne voit que ce qu’on regarde et peut-être n’avais-je pas alors, le regard à ça.