Prise de terre

06 jun. 18

Ça a commencé il y a bien des années.

Dans le courant des années 90 alors que régulièrement je partais travailler avec André Gutman dans son atelier du beaujolais. Rencontres annuelles pendant lesquelles on tentaient quelques techniques nouvelles … nouvelles pour nous en tout cas! Nous avions eu l’ opportunité d’exposer ensemble à la galerie Arcadie, Quai de Saône à Lyon. Et c’était posé alors le problème de la signature des pièces réalisées. Certaines pièces étaient faites à deux, les autres seuls, chacun de notre côté. On faisait ensemble les cuissons d’émail. André avait toujours le goût de la dérision et cherchait une signature un peu « hors du commun ». Il avait alors fabriqué un petit sceau en plâtre qui imprimait une comète sur le bas de ses pièces. J’ai retrouvé cette trace il y a quelques années dans les réserves du musée Arianna. Apposée sur deux pièces dont ils ignoraient l’auteur. J’ai donc pu les renseigner.
De mon côté, je cherchais à déjouer la sacralité de ce tampon lorsque je suis tombé sur un petit objet industriel facile à trouver, donc facile à remplacer quand je le perdais. Et surtout, il se faisait en toutes les tailles, donc, adaptable à toutes les pièces. Nous avions tous les deux envie de continuer cette tradition de la signature estampillée (le geste nous plaisait) mais en en jouant un peu. Le fait d’utiliser un objet aussi banal me convenait donc puisque tout le monde pouvait à sa guise copier cette soi disant marque d’authenticité. À l’époque je commençais à écrire des petits textes d’humeur. Je les imprimais moi-même et les envoyais à divers personnes ( pas plus de 50, sinon ça me coûtait trop cher en timbres). J’avais pour ça, imaginé une fausse maison d’édition qui s’appelait : »Prise de terre ». Cette idée du retour des énergies perdues à la terre m’est toujours chère. Et c’est peut-être ce qui précisément m’emmène tous les jours à l’atelier. Remettre à la terre ce surplus d’énergie pour que tout soit sans danger et que la vie ainsi puisse continuer sans encombres. C’est donc naturellement que j’ai signé et signe encore mes pièces de l’empreinte d’un domino électrique. 25 ans après je considère toujours cet intitulé comme résumant bien ce qui me tient. Et j’utilise pour mes courriers ou autres objets ce petit pictogramme remis à ma sauce. « Prise de terre » pour aussi rendre à jamais caduque cet horrible « prise de tête » que l’on entend trop souvent.