Louis Leopold Thuiland

08 nov. 15

Je ne sais plus bien si j’étais encore à l’école ou pas,

lorsque Claude Poli céramiste et professeur à Champigny sur marne, m’a emmené voir les pots de Louis leopold Thuilant au musée de la reine Bérangère au Mans. Et depuis, j’ai toujours gardé une grande admiration pour ce travail mi fantasque, mi documentaire … des pièces d’une grande naïveté et d’une gravité suintante rendant compte du travail singulier de ce potier qui, à l’orée de la guerre de 14, sombra dans une déprime sans merci. Toute son œuvre illustre des scènes de la vie rurale. Artisans au travail représentés avec leurs outils, leurs animaux de compagnie, dans des situations quotidiennes ornant la panse des pichets dont le col et le bec prennent formes d’animaux vaguement fantastiques. Le modelage est enfantin, riche et très émouvant. Fils de potier de terre vernissée à Prévelles, il réalise ses œuvres dans la droite lignée technique du travail de son père. Les pots sont monochromes, verts ou jaunes, émaillés au plomb.
Au début des années 80, je découvre que Robert Doisneau a fait une série d’images très particulières sur les pichets de Thuilant. Grace à un appareil de prise de vue appelé "speedgraphic". Il déroule le décor des pièces comme autant de bandes dessinées. Je contacte alors Doisneau qui, par retour du courrier, m’envoie toutes les planches-contact concernant ce travail … stupéfait par cette simplicité et cette confiance, je pus en accord avec l’agence Rapho montrer quelques unes de ces images au sein d’une exposition portant sur la place de l’écriture dans les céramiques populaires (”terres signées” exposition itinérante en basse normandie 1984- 1987) Car le plus étonnant peut -être, c’est cette volonté qu’avait Thuilant de signer et de re-signer ses pièces après les avoir dédicacées et parfois même situées (certaines pièces portent même l'heure à laquelle elles ont été faites). Volonté d’apparaitre comme auteur d’une oeuvre particulière, ou peur de sombrer dans l’oubli. L’histoire se termine mal : après la mort de sa mère et la vente de sa ferme, on le retrouva pendu chez lui en 1916. Terminant ainsi l'histoire de toute la terre vernissée sarthoise.
je suis retourné voir ces pièces au musée du Mans ce week end. Le musée en possède une vingtaine sur les quatre-vint dix qui auraient été faites… Les vingt sont toujours présentées dans la collection, et font, pour moi, partie des chefs d'œuvre de l'art populaire.