La beauté là où on ne l'attend pas.

12 jan. 19

Quand j’étais petit, je voulais faire "Claude Champy" !

C'est à la suite d'une rencontre inopinée avec deux mazagrans tordus et émaillés d'un rouge de cuivre qui semblait totalement démystifié, que ce désir est né. La galerie Sarver n'était peut-être pas encore complétement ouverte ... Je me souviens en tout cas de ces deux mazagrans sur la fenêtre de la rue saint Paul. J'ai suivi fidèlement ce travail depuis … bouleversé à chaque fois, par les grands plats, les boites, les vases, les bols. A chaque fois tout me disait que c'est ce chemin qu'il fallait suivre ... Les années ont passé, mes choix se sont tournés vers les basses températures … Plus fragiles, moins fixées, c'est une question de génération je pense. Le grès pour moi appartenait déjà un peu au passé. Je ne sais pas comment dire ça mais les basses températures me semblaient plus "punk"
Après il y a eu les " huit artistes et la terre". Un rapprochement sur les pratiques et sur la question de la trace laissée, projet mené par A.et F. De L’Epine avec Camille Virot. Ces moments de rencontre nous ont permis de confronter nos histoires. Claude a écrit un portrait me concernant lors de l'exposition de Genève. Il m'y condamne à faire de la céramique à perpétuité... j’obéis sans discussions !

Et puis maintenant.
je ne sais plus bien comment est né ce nouveau projet … si je l’ai provoqué ou si c’est Michel Blachère qui me l’a proposé mais c’est sans hésiter que Claude a accepté.
Nous ne savions pas comment appréhender cette exposition, Comment commencer. Il n'était pas question de travail à quatre mains. Je dois dire sur ça, qu'il y a vingt ans, lorsque j'ai commencé cette réflexion sur les travaux en commun … personne n'a voulu les exposer. Personne ne s'y intéressait. Personne sauf Fréderic Bodet qui m'a écrit une lettre à la suite d'une exposition dans laquelle j'avais mis une pièce réalisée à deux. A l’heure actuelle, on parle beaucoup de ces expériences (peut-être un peu trop), et avec Claude on voulait échapper à cette logique presque "obligée" maintenant, et rester chacun dans nos chemins. Persuadés que de toute façon ils se croiseront. La journée passée dans l'atelier à Plaisir nous a mis d'accord (grâce à Michel Blachère ce coup-ci) sur le fait que la peinture nous avait beaucoup guidé l'un et l'autre. A en parler, le travail d'Antoni Tapies est apparu comme un passage commun. Curieusement (et ça, je ne l'ai pas dit) il m'a toujours semblé qu'il y avait quelque chose de commun dans les statuts du travail de Claude et de celui de Tapies... en tout cas, je les ai souvent regardés du même œil.
Nous avons, depuis, chacun de notre côté "révisé" notre Tapies. Je me suis replongé là-dedans découvrant une vision un peu différente de ce dont je me souvenais. Je me souvenais de la forme : des lignes incertaines, des croix, des matériaux courants mais rarement utilisés, des grandes flaques de vernis et des murs de poudre de marbre, des écritures maladroites aussi… enfin la vision d'un monde réel et quotidien montré sans politesse. Mais c'est surtout l'engagement politique antifranquiste, antifasciste qui reste. La forme devient alors plus révoltée, des images de la colère.
« J'ai toujours une image dans mes bouquins d'une peinture ou apparait un mélange d'un rose très riche colorant une forme qui pourrait être une jambe ». C'est ce que j'écrivais à Claude récemment. Finalement je suis allé revoir cette image. Ce n'est pas une jambe, mais une chaise ! La jambe, je me souviens maintenant, était présentée à Sèvres dans les parcours céramiques. Il n'y aura pas d'illustration dans l'exposition, pas de citation, mais ce qui semble se dessiner c'est un appétit d’expérimentation qui nous entrainera, nous l’espérons, dans des chemins nouveaux. Mais comment conjuguer tout ça avec notre travail réciproque ? Comment digérer ? A relire les entretiens, une phrase reste que nous partageons :"la beauté là où ne l'attend pas". Cette phrase a l'air d'avoir été prononcée pour nous, et c'est goulument que nous nous l'approprions. Ce sera peut-être au final le seul lien avec l'œuvre de Tapies… Le seul lien visible, car il reste que ce travail nous aura tous les deux construit et que nous en avons chacun de notre côté fait une lecture qui aura ponctuée notre parcours.